Aux Mamans pèlerines de la Voie Romaine
Samedi 19 Mars 2022
Chères Mamans de prêtres,
Quelle joie profonde de vous accueillir ce soir à l’Abbaye. Vous avez « les traits tirés et les pieds poudreux », comme on le chante, mais votre regard est heureux, parce que vous accomplissez un nouvel effort pour vos fils et pour toute l’Église. Une maman, c’est écrit dans ses gènes, cela donne la vie aux dépends de sa vie. Un papa aussi d’ailleurs. Vous êtes pleinement dans votre vocation de sacrifice silencieux, endurant et fécond. Et ma joie de vous recevoir à Triors est double, puisqu’une bonne amitié me lie avec les fils de certaines d’entre vous.
Une maman de prêtre, cela ressemble tellement à la Sainte Vierge au pied de la Croix ! Elle qui a voulu assister son Fils lorsqu’il a offert l’unique Sacrifice, le sacrifice qui scelle l’Alliance avec Dieu. À chaque Messe, Notre Dame est là, près de l’autel, pour nous donner son Fils. Elle est notre Mère. Elle nous donne la vie que nous a acquise son Fils. « Elle est mère partout où Il est Sauveur » nous dit le Catéchisme1.
Vous souhaitez exprimer dans un geste fort, et astreignant pour vous, votre attachement au Missel Romain ancien. Et vous aimeriez soulager la peine de vos fils prêtres qui se voient privés de cette forme parce que quelques outrances des deux bords ont caricaturé le débat. C’est dans un grand esprit de filialité envers notre Saint Père et envers la Mère Église que vous marchez vers Rome. Nous ne sommes ni de Pierre, ni de Paul, mais de Jésus-Christ, notre Sauveur. Si nous préférons le Missel ancien, c’est par déférence envers les générations passées de chrétiens. Ils sont nos pères et nos mères dans la foi. Ils ont rencontré les mêmes défis que nous, et leur sage expérience a façonné petit à petit le formulaire sobre et d’une beauté antique inimitable dont nous souhaitons continuer à vivre.
Triors est fille de Dom Guéranger, le premier Abbé de Solesmes. Au cours du xixe siècle, il a senti, en comparaison des multiples missels gallicans qui avaient fleuri dans chacun de nos diocèses, la valeur intemporelle du Missel Romain, et son riche équilibre. Il a su ramener la France à l’usage romain. Il nous a légué un grand amour pour cet antique recueil inspiré par le Saint Esprit.
Nous héritons aussi du labeur de Dom Jean Roy et de Dom Antoine Forgeot, Abbés de Fontgombault, qui ont payé de leur personne pour que les moines leurs fils puissent célébrer joyeusement et paisiblement selon ce Missel, en accueillant les réformes nécessaires indiquées par Rome. Ces réformes ont conduit à la liturgie d’une harmonie bien ajustée que nous célébrons actuellement, en cohérence avec les indications de la constitution dogmatique conciliaire Sacrosanctum Concilium.
La permanence d’un puissant mouvement en faveur de la Messe ancienne est un signe fort. L’Église, attentive au sens des fidèles, saura l’interpréter avec vérité. Peut-être s’engagera-t-elle dans une nouvelle édition du Missel Romain, bénéficiaire des richesses des deux formes ? Pour la forme ancienne, on aime la vigueur de ses oraisons, la sobriété des choix offerts, la conscience soulignée qu’il s’agit de rendre présent le sacrifice du Seigneur, et la gestuelle éloquente. Dans la nouvelle forme, on aime quelques enrichissements du lectionnaire, des préfaces et du sanctoral. Une telle édition ne peut pas se faire en cinq ans. Il faut beaucoup de temps et de prière pour donner jour à quelque chose qui traverse les siècles et convienne à chaque époque.
Nous nous reconnaissons tous pécheurs, et nos démarches sont imprégnées d’humilité, mais aussi de confiance envers notre Mère l’Église. Tout à l’heure, je vous comparais à Notre Dame au pied de son Fils crucifié. Maintenant, pour conclure, je voudrais vous inviter à l’imiter aussi au Cénacle durant les jours qui suivirent l’Ascension. Les disciples silencieux demeuraient dans la peur, auprès de leur Mère qui leur apprenait à prier avec confiance. Et, par sa toute puissance suppliante sur le cœur de Dieu, cette Mère Divine a obtenu le jaillissement de l’Esprit. Saint Pierre a ouvert les portes, et il a commencé sa mission de manifester au monde le don de Dieu.
Que la Vierge Marie vous bénisse sur la route, qu’elle vous épargne les ampoules et murmure au fond de vos cœurs la prière qui plaît à Dieu.
1) CEC 973 : En prononçant le « fiat » de l’Annonciation et en donnant son consentement au mystère de l’Incarnation, Marie collabore déjà à toute l’œuvre que doit accomplir son Fils. Elle est mère partout où Il est Sauveur et Tête du Corps mystique.